2.5/10Eurêka magazine

/ Critique - écrit par Aurélie, le 30/12/2005
Notre verdict : 2.5/10 - Eurêkatastrophique (Fiche technique)

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Nouveau né de la presse papier, le premier numéro d'Eurêka est paru en décembre 2005 sous la houlette de Bayard Jeunesse. Le concept de ce magazine pourrait se résumer ainsi : c'est une joie d'apprendre, et le savoir doit être plus accessible pour les 15-25 ans. C'est un but honorable, mais pour l'atteindre, il est nécessaire de ne tomber dans aucun excès : non, les jeunes ne sont pas écervelés, mais ils ne sont pas pour autant tous titulaires d'un doctorat. Euréka parviendra t-il à trouver le juste milieu ? Les lecteurs seront-ils captivés par ce magazine ? Les jeunes continueront-ils à être pris pour des idiots ? Maintenant que le suspense est installé, je vous propose de passer à table.

Le menu à 3,90 euros

3,90 euros, vous l'aurez compris, c'est le tarif au numéro. En réalité, c'est le prix de lancement, qui devrait augmenter par la suite jusqu'à 4,90 euros. C'est un peu cher par rapport à d'autres mensuels, mais on comprend mieux lorsque l'on regarde la qualité de l'impression. Le papier est de bonne facture, et aucune bavure n'est à déplorer sur les très nombreuses photos. Très... trop ? Toutes les pages ou presque sont bariolées, chargées jusqu'à la saturation. A vouloir être attrayant, Eurêka tombe immédiatement dans l'excès, et gâche son potentiel dès le départ en donnant dans la démesure.
Le choc du manque de clarté passé, voyons le menu (Comprendre : le sommaire). Evidemment, celui-ci est également éclatant de couleurs (nous vous épargnons les blagues sur la lessive), et il faudra une bonne minute au lecteur avant de s'adapter et de comprendre qu'il se trouve nez à nez avec la table des matières. Parce que c'est vert, violet, rouge, orange, bleu, un vrai feu d'artifice, avec bien sûr des photos en cadeau. Et bien, ça fait mal aux yeux et ça donne la nausée. Mais passons.
Au menu, donc, vous aurez droit à de l'info, de la vraie, pas forcément fraîche puisque le contenu souffre des délais d'un mensuel. Impossible du coup de coller au plus près de l'actu. Eurêka compense t'il cela par des articles passionnants ? Le poker, les effets spéciaux de King Kong, l'histoire de la marque Von Dutch, les scénarios possible pour l'avenir de l'humanité, la naissance de l'univers... Pourquoi pas ?

Un arrière goût amer

Attaquons de suite le plat de résistance. Vous savez maintenant ce que vous allez manger : économie, histoire, philo, écologie, sociologie... Avec tout ça, vous vous doutez bien que ça va être à chaque fois du léger. Sur les 100 pages que compte le magazine, impossible de laisser à chaque thème la place qu'il mérite. Car Eurêka se veut à la fois généraliste et précis, compromis malheureusement utopique pour un mensuel.
Les plats défilent donc les uns après les autres, et vous avez à peine le temps d'en sentir le goût. C'est souvent comme ça dans les grands restaurants. Dans le cas d'Eurêka, j'imagine parfaitement qu'il ne vaut mieux pas s'attarder sur chaque sujet. Le magazine tente de noyer son manque d'intérêt sous un amoncellement de photos colorées et de titres racoleurs, mais en vain, car personne n'est dupe.
Le message que tente de faire passer le magazine, à savoir la joie d'apprendre, semble bien loin d'être atteint : comment se passionner pour un article sur les divers vents dans le monde ?
Non, décidément, rien ne va. Parce qu'à coté des articles sans attrait véritable, nous trouvons des thèmes qui auraient pu se révéler intéressants, mais qui sont gâchés par le manque de place, ou encore la mise en page. Eurêka tire à vue sur ses propres atouts.

Patron, l'addition !

Mais il y a bien pire.
(Rendez vous bien compte, pire que la maquette, c'est dur.)
Parce que dans les rares articles intéressants, et si l'on fait abstraction des couleurs et des photos et des autres défauts, en fait si l'on parvient à passer outre tout ce que nous avons cité plus haut (bon courage), nous nous retrouvons face à... de l'information prédigérée. Qu'est ce que c'est que ça ? Et bien... vous sentez ce petit arrière goût ? Oui, c'est celui du parti pris. Parce qu'Eurêka oscille entre la provocation volontaire et l'info tronquée : on prend une vraie information, on la découpe un peu, et on n'en garde que ce qui nous arrange. Illustration : « Quand vous fumez à côté d'un non-fumeur, il fume aussi. C'était le slogan d'une campagne du ministère de la Santé. J'y apporterais une légère modification : quand je fume à côté d'un non-fumeur, il fume gratuit. Quand on connaît le prix des clopes, je me trouve bien aimable de n'exiger aucune participation financière ! ». Voilà les mots exacts que l'on peut lire p10 du magazine, venant d'un soit disant futur lecteur d'Eurêka. Allez, on s'indigne un bon coup et on passe à autre chose. Faut pas se faire du mal. Pour arriver à faire avaler cela comme il faut au lecteur, surtout, ne rajouter aucune justification. Deuxième exemple, avec un genre de phrase dénuée de toute explication que l'on peut ressortir pour se donner un air vaguement intellectuel : « Le système de cour au sein duquel vit le Président [de la République française] n'est pas non plus sans rappeler une certaine époque louis-quatorzienne ».
Pour un magazine qui vise les 15-25 ans peu intéressés par l'actualité, ça frise la désinformation.

Vous l'aurez compris, je ne relirai probablement jamais Eurêka. Aidé par une maquette très bariolée, des photos utilisées à outrance, un côté pédant qui frise le ridicule ainsi que de l'information plus que pauvre, Eurêka a tous les atouts pour devenir LE magazine dont vous n'aurez que faire. Et c'est empreinte d'amertume et de déception, parce qu'un magazine d'information adapté aux jeunes, c'est vrai que ça fait rêver, que je vous conseille, si vous aimez l'actu, de vous faire les dents sur Le Monde ou n'importe quel autre quotidien d'actualité. C'est un peu coriace, ça n'a pas toujours très bon goût, mais vous en aurez au moins pour votre argent.