9/10Gerra (Laurent) - Laurent Gerra flingue la télé

/ Critique - écrit , le 02/11/2006
Notre verdict : 9/10 - Le spectacle : Merci ! (Fiche technique)


De nombreux préjugés personnels encerclaient dangereusement Laurent Gerra avant de visionner son DVD. Le célèbre imitateur avait-il mal vieilli depuis sa dernière tournée ? Après son immersion délicate dans le 9ème art malgré une volonté certaine de bien vouloir faire les choses, l'humoriste ne lésinait pas à souligner sa nostalgie d'une époque révolue lorsqu'il promouvait son spectacle Laurent Gerra flingue la télé. Une opinion légitime mais donnant l'impression en contrepartie qu'il était hermétique a toute évolution, positive ou non. Chose qui risquait d'être grossièrement caricaturé dans ses sketchs.
Mais que nenni, ses 2h20 d'interprétations balaient d'un coup sec toutes ces idées reçues qui étaient venues semer la discorde dans mon esprits confus. Le caméléon vocal s'impose avec classe et distinction.

Le spectacle.

Même si une 2CV peine à démarrer, elle nous emmène au bout du monde une fois la mécanique enclenchée. Laurent Gerra, fait de même en nous accompagnant joyeusement jusqu'aux terres australes du rire. Pour cela, le doubleur de Pierre Bellemare rappelle dans un ordre chronologique les grands moments du petit écran et les acteurs l'ayant nourri. Après une introduction en chanson où l'homme parodie un Aznavour lassé d'assister à une dégradation télévisuelle abyssale, Laurent se moue dans la peau de Léon Zitrone entrain de commenter le mariage cavalier du Prince de Galle avec Camila. L'échange entre le public et l'humoriste est réciproque. Gerra, malgré une justesse dans l'intonation n'ose pas exagérer les mimiques. Les gens rentrent difficilement dans le jeu. Le sketch de Zitrone, même s'il est bien conté, paraît assez classique dans le fond. Son défunt confrère, Guy Lux récoltent la même semence. Mais petit à petit, l'homme lâche sa gestuelle, exagère ses expressions faciales, encourage le public à participer avec lui. Il ose enfin ! Laurent Gerra est de nouveau là, toujours avec le même sens de la formule incisive, la caricature taillé sur mesure sans entrer dans le mauvais goût. Quatre ou cinq personnalités (sur un total avoisinant les 70) nous donnent l'impression de ne pas avoir été suffisamment renouvelé pour redonner un peu de peps. Mais de nouveaux arrivants (Chevalier et Laspalès, Patrick Sébastien, Marc-Olivier Fogiel, Fabrice Luchini entre autre) viennent s'ajouter au cocktail explosif.


L'acteur reprend les mêmes ingrédients qui avaient nourri avec succès ses représentations passées. Chanter un morceau de variété reconnu en alternant les interprètes d'une facilité déconcertante. Ceci tout en soulignant leurs mimiques et projetant sur scène leur défaut personnels. Il en va de même avec les hommes politiques où il retrace leurs parcours, leurs programmes, formule des citations parfois reprises directement sur l'auteur originel. Jack Lang, dont le sketchs dessinent le même schéma que celui de Jacques Chirac lors de sa précédente tournée, en est l'exemple parfait. Bien entendu, les personnalités reconnues de la télévision n'échappent pas à l'exécution jubilatoire. Que ce soit d'anciens animateurs (Le petit théâtre de Philippe Bouvard, la dernière séance avec Eddy Mitchell) ou les nouvelles têtes du paf (ONPP avec Marc-Olivier Fogiel, Jour après jour, tout le monde en parle, Qui veut gagner des millions ...). Lorsque la parodie ne ridiculise pas ses victimes, elle cède la place à un profond respect amusé (Jean d'Ormesson) ou émouvant (Henri Salvador, les hommages en guise de bouquet final). Laurent Gerra n'est plus alors un simple imitateur, mais un véritable acteur rappelant avec grâce, le temps d'un spectacle, l'esprit de ces artistes ayant marqué la France. Des personnalités qui nous manquent, s'éclipsant humblement derrière cette scène soudainement dépeuplée.

Les bonus.


Laurent Gerra est un homme voulant paraître généreux. L'imitateur nous offre une DVD bonus entier où nous assistons à différentes tranches de sa vie paisible. Nous découvrons aussi, dans le DVD spectacle, les coulisses de "Laurent Gerra flingue la télé" quel que soit le lieu de la représentation (Théâtre Marigny, Palais des sports, Olympia). Cette partie expose surtout les impressions des nombreux artistes émus, ayant réservé une place aux premiers rang pour observer son spectacle, avec autodérison. Nous avons aussi un extrait de Campus, animé par Guillaume Durand. Laurent Gerra explique dans cet émission comment il a réussi à trouver le thème de son spectacle, ses impressions négatives sur la qualité des programmes actuelles, cet éternel et implacable nostalgie du "c'était mieux avant". Mais concrètement, on apprend peu de choses sur la naissance concrète de la tournée, la construction des textes, la mise en place de l'équipe.
Le second disque ne complète guère ce vide. Nous regardons Laurent Gerra profiter de son séjour au Liban pour préparer son spectacle là bas, et jouir de l'accueil chaleureux offert par le peuple libanais. Une certaine gêne apparaît alors lorsqu'on se remémore aujourd'hui les actions militaires dont a été victime le pays. Ainsi, nous faisons un retour en arrière, au coeur d'une ville insouciante, pençant ses blessures en reconstruisant par dessus les ruines, et où Laurent Gerra profite la cuisine locale en compagnie de ses compagnons de route.
Entre temps, nous visitons les coulisses du musée Grévin ou monsieur a eu le privilège de voir son mannequin inauguré dans la salle d'exposition. Nous y apprenons les différentes phases pour modeler le visage d'une future célébrité.


Enfin, Laurent Gerra est un fin gourmet s'installant, dès que l'occasion se présente, derrière les plus grandes tables de la restauration française. Entre les escapades dans les charcuteries lyonnaises, les soupes, sandwichs et autres plats aux truffes, les omelettes cuisinées avec amour par Marc Veyrat après avoir passé la matinée à ramasser toutes sortes de plantes avec lui... Tout y passe pendant que vous mangez votre jambon purée hebdomadaire. Par ce biais, Laurent Gerra veut montrer que malgré la célébrité, il est resté un homme simple, attaché à la terre et aux petits plaisirs de la vie... avec un 4 étoiles en guise de fond. De sympathiques excursions culinaires entamées entre deux trajets marqués sur la carte de sa tournée.
Ces bonus ne sont donc pas destinés à éclaircir certaines zones d'ombres refermant son talent, mais nous présente cependant un des secrets de sa réussite (où que la production cherche en tout cas à nous faire persuader lors du visionnage) : Laurent Gerra est une personne croyant en certaines valeurs, sincère, regorgeant d'humilité, et raccroché aux racines de son enfance... Reste à savoir maintenant si cela va réellement intéresser tout le monde même si le coffret demeure complet.

A titre de comparaison, Laurent Gerra est comme le vin. Un patrimoine du terroir qui se bonifie avec le temps.