Le Grand Détournement - La classe américaine
Séries & TV / Critique - écrit par Kei, le 14/03/2006 (
C'est un véritable drame ! Le grand Georges Abitbol, l'homme le plus classe du monde depuis plus de 15 ans, est mort ! Sa disparition en mer, dans un incident de bateau, met le monde en émoi, d'autant plus que ses dernières paroles sont une véritable bombe. Des journalistes sont immédiatement dépéchés pour tenter de découvrir pourquoi cet homme, qui portait le titre officiel d'homme le plus classe du monde, a bien pu dire ces terribles mots : "Monde de merde..."
Vous vous rappelez peut être du Jour le Plus Long, et de son casting incroyable. Dites vous qu'ici, le casting est encore plus démentiel. Je vous donne un bref apperçu de la brochette de stars qui jouent dans ce grand film : John Wayne, Dustin Hoffman, Paul Newman, Robert Redford, Burt Lancaster, etc., etc., etc. Ce téléfilm possède sans aucun doute le plus prestigieux et le plus incroyable des castings, et là ou il surprend encore plus, c'est quand on sait qu'il s'agit d'une réalisation française ! On se rappelle que Bruce Willis, conquis par le scénario, avait accepté de jouer pour une misère dans Pulp Fiction. Imaginez le tour de force que cela a été pour faire jouer tous ces grands noms dans cet obscur téléfilm français, injustement méconnu, et fait avec un budget dérisoire.
Qui a bien pu réaliser ce téléfilm en 1993 ? Tout simplement la bande de rigolos de chez Canal, aussi connus sous les noms de Chabat, Farrugia et Lafesse pour les plus célèbres, ainsi qu'une flopée de doubleurs "officiels". A ce point de la critique, vous avez compris que ce (télé)film n'est qu'une grosse blague (John Wayne, qui joue le personnage principal, est mort en 1979) : le plus gros des délires de l'équipe Canal, un chef d'oeuvre absolu. Il est en fait constitué d'extraits d'une myriade de films, dans lesquels apparaissent les acteurs dont je parlais plus haut, mis bout à bout, et dont le doublage a été refait. Le tout pour former un film dément, dont chaque réplique est culte, et dont la cohérence surprend.
Je serais bien incapable de vous raconter l'histoire de ce téléfilm, le cheminement de l'idée ou bien encore de vous expliquer qui sont les gens qui l'ont créé. Etant un peu jeune pour avoir vécu la grande époque Canal (comme disent les nostalgiques), ce téléfilm ne se place pas pour moi dans un cadre précis. Il ne s'agit que du meilleur film comique de tout les temps, et il se passe rarement une journée sans que j'y fasse référence.
On pourrait difficilement parler de la qualité de la réalisation, étant donné que l'on a affaire à un patchwork tout ce qu'il y a de plus hétéroclite. Mais on peut reconnaitre l'incroyable maîtrise des deux réalisateurs, et saluer leur immense culture cinématographique. Au passage, on peut s'incliner devant la performance technique : dans tous les dialogues, sur toutes les scènes, les deux trublions aux commandes de ce flim ont recherché la cohérence entre les mouvements des lèvres et les mots prononcés. Quand vous verrez pour la première fois José prononcer le nom de Georges, vous serez saisis par la concordance du mouvement. Absolument impressionant.
Le téléfilm est construit sur le modèle de Citizen Kane (Orson Welles fait d'ailleurs irruption pour dénoncer ce plagiat honteux), et est rythmé par les scènes tirées des Hommes du Président (un film racontant l'histoire du Watergate). On reconstruit donc la vie de Georges à travers les témoignages des gens qu'il a croisé. Cela permet d'introduire les films les plus fous, les plus oubliés, les plus nanards, mais les plus grands aussi.
Trouvez ce téléfilm ! Cherchez-le car il ne se vend pas, ne passe pas au cinéma et n'a jamais été édité en DVD. Et regardez-le. Vous aussi vous pourrez alors crier "On va manger des chips !", traiter les gens "d'animaux préhistoriques partouzeurs de droite", clamer que le "train de tes injures roule sur le rail de mon indifférence", ou encore expliquer que "tu fais un amalgame entre la coquetterie et la classe". N'hésitez pas, et faites-le découvrir autour de vous, personne ne reste de marbre devant ce téléfilm.