7.5/10Les Incorruptibles

/ Critique - écrit par riffhifi, le 03/02/2010
Notre verdict : 7.5/10 - Eliot sans le dragon du Loch Ness (Fiche technique)

Tags : incorruptibles ness capone prix film eliot jeunesse

Une des premières grandes séries policières, qui accuse son âge mais révèle également des trésors de noirceur et de violence. Les sbires d'Al Capone volent globalement la vedette à Eliot Ness et ses agents.

Durant les années 20, les Etats-Unis traversèrent la Prohibition. Une étrange période où, sous l'impulsion d'une loi interdisant l'alcool, les forces de la criminalité et de la justice s'affrontèrent en un combat homérique et manichéen, un duel westernien comme les affectionne la population du Nouveau Monde. Inspirant la littérature et le cinéma avant même la fin des hostilités (certains devinrent des classiques : L'ennemi public, Scarface...), elle fut symboliquement dominée par l'affrontement entre le Big Boss Al Capone et l'escouade de superflics surnommés les Incorruptibles, dirigés par Eliot Ness. Si le public contemporain se souvient sans doute essentiellement du film réalisé en 1987 par Brian De Palma avec Robert De Niro, Kevin Costner, Sean Connery et Andy Garcia, Les Incorruptibles furent avant tout les héros du petit écran au tout début des années 60.

Portée par la personnalité intense et taciturne de Robert Stack, incarnant un Eliot Ness efficace, la série commence au début des années 30, et voit Capone partir en
prison dès la première saison. Que reste-t-il aux auteurs, privé du cerveau de la Mafia ? Fort heureusement, il reste une armada de lieutenants, pugnaces fripouilles réunies sous la bannière de Frank Nitti (interprété par Bruce Gordon) pour continuer les trafics du chef emprisonné, avec lequel ils continuent de correspondre. Deuxième menace pour les truands et les scénaristes : la fin de la Prohibition, qui intervient au court de la deuxième saison (que Paramount vient de finir d'éditer en DVD, dans son "volume 4"). Obligés de se tourner vers de nouveaux marchés, les truands encouragent la consommation de drogues, et voient éclore de multiples dissidences dans leurs rangs. De toute évidence, la peinture des relations entre gangsters est le principal centre d'intérêt des Incorruptibles, malgré le titre et l'apparente mise en vedette de Robert Stack. La fascination exercée par ces personnalités bouillonnantes, extrêmes, est sans comparaison face au caractère sans faille de Ness ; quant aux membres de son équipe, ils sont la plupart du temps réduits à de simples silhouettes gratifiées d'une ou deux lignes de dialogue. A partir de la troisième saison cependant, l'agent Enrico Rossi verra son rôle étoffé, pour une raison toute politique : les lobbys italo-américains, appuyés officiellement par Frank Sinatra et officieusement par la Mafia, protestaient contre la représentation négative des personnages latins dans la série, essentiellement présentés comme des gangsters sans scrupule !...

Les Incorruptibles possèdent également un point commun avec sa contemporaine La Quatrième dimension : les deux séries possèdent une galerie de guest-stars
composée de futurs vedettes du petit écran. Ainsi, dans la deuxième saison, on s'amuse à reconnaître Telly Savalas (Kojak), Elizabeth Montgomery et David White (Samantha et Alfred de Ma sorcière bien-aimée) ou encore Victor Buono (King Tut dans la série Batman), ainsi que les célèbres acteurs James Coburn, Ricardo Montalban et Lee Marvin.

Mais l'attrait de la série, avant toute chose, vient de sa forme elle-même : narrés en voix-off par le journaliste Walter Winchell, les épisodes possèdent un aspect documentaire (malgré les très nombreuses libertés prises avec la réalité) que renforce une violence brute qui étonne encore aujourd'hui. Le ton sera adouci pour la quatrième saison, en raison d'une censure de plus en plus vigilante... la série ne s'en relèvera pas, déjà affaiblie par l'usure des thèmes exploitables. Elle aura néanmoins laissé son empreinte dans l'histoire de la télévision, et permis au producteur Quinn Martin de se faire un nom, qu'il réutilisera pour signer d'autres succès comme Le Fugitif, Les envahisseurs et Les rues de San Francisco. Quant à Robert Stack, il reprendra son rôle en 1990 dans le téléfilm Le retour d'Eliot Ness, dont l'action se déroule en 1947.