Minuscule : La vie privée des insectes
Séries & TV / Critique - écrit par hiddenplace, le 19/01/2009 (Tags : dvd insectes minuscule vie szabo privee saison
Thomas Szabo et Hélène Giraud livrent aux amateurs de bébêtes volantes et rampantes, avec finesse, tendresse et humour une des séries d’animation les plus réussies dans ce domaine.
Combien d’entre nous hurleraient de crainte ou de dégoût à la simple vision d’une toute petite bête à 6 ou 8 pattes, à plus forte raison si elle est couverte de poils et/ ou bourdonne sournoisement à nos oreilles ? Et bien c’est sans compter sur le talent de deux jeunes concepteurs français, Thomas Szabo et Hélène Giraud, qui nous livrent avec finesse, tendresse et humour une des séries d’animation les plus réussies dans ce domaine.
A la genèse de ce projet, il y avait un simple court métrage narrant les aventures d’une mouche « des poubelles », pas du tout destiné à faire des « petits ». Puis la réussite et l’accueil enthousiaste de cet objet leur a permis de concocter un format plus long sur le même thème : la série. A travers 78 épisodes truculents et à la durée très courte (5 à 6 minutes), une minuscule vie nous est dépeinte, dans les moindres détails. Sur la base des comportements réels et typiques de chaque petite bête, les personnages récurrents cohabitent, flirtent et papillonnent, se disputent, et même parfois se jouent de vilains tours pendables.
Les scénarios, illustrant davantage des mini saynètes que de réelles intrigues, s’attachent donc chacun au caractère d’un insecte en particulier. Voire parfois de deux ou trois bébêtes quand la confrontation avec d’autres personnalités permet de tisser un portrait plus fidèle, plus caricatural, ou tout simplement plus amusant ou attachant. Il y aurait même comme une volonté d’humaniser un peu les bestioles pour nous les rendre reconnaissables entre mille, et un peu plus proches de nous. Chaque insecte, arachnide ou gastéropode garde au fil des épisodes sa personnalité : le côté mollasson de l’araignée, l’aspect mutin de la coccinelle, la dévorante voracité de la chenille, la méticulosité de la fourmi… Nous connaissons tous la principale qualité de cette dernière, qui se gausse d’ailleurs allègrement du défaut de sa voisine, la cigale. Un épisode traitera de cet antagonisme, toujours avec humour, comme l’avait jadis fait ce cher La Fontaine.
Comment chassent les araignées ? Comment les abeilles récoltent-elles le pollen des fleurs ? Comment la chenille devient-elle papillon ? Autant de questions qui trouveront une réponse, à la fois pédagogique et poétique, dans chacune des séquences de Minuscule. Car avant tout destinée à un public en culotte courte, la série reste évidemment très instructive, éveillant la curiosité pour la Nature, ses trésors et ses secrets. Mais là où l’on attendrait une vulgaire simplification et un commentaire en voix off expliquant le pourquoi du comment (comme la plupart des documentaires animaliers) on trouvera de petits sketchs à la Tex Avery, plus minimalistes que ceux-ci, mais moins convenus, plus décalés que le correspondant Disneyien 1001 pattes. Ce qui ouvre ainsi la porte à un autre public, plus adulte, qui devrait se régaler du second degré omniprésent. Le durée très courte d’un épisode est donc celle qui sied le mieux au ton enlevé de la série. Un autre format aurait dénaturé le propos. A ce titre, la multitude d’épisodes de la saison a peut-être été aussi surestimée : certaines péripéties sont un peu redondantes même si chaque fois les petites nuances de situation, de décor ou de personnage apportent un léger supplément.
Avec une maîtrise harmonieuse, la série mêle images 3D et décors réels. Les petits protagonistes volants ou rampants sont réalisés dans une 3D rondouillarde, puis ils sont intégrés dans les vidéos tournées en pleine nature par l’équipe technique. L’assemblage est retravaillé ensuite en post production, puis mâtiné d’un filtre légèrement jauni. Les personnages évoluent en parfaite adéquation avec l’environnement qu’on leur offre, sans aucun défaut d’incrustation : ombres portées, reflets et effets de lumière, interaction de l’animal avec le décor supervisée avec soin. Rien n’est laissé au hasard grâce aux story-boards très détaillés. Bien que diversifiés, les décors uniques (intérieur de maison, champ de blé, rivière, terrain désertique et rocheux, pré…), ne sont toutefois pas encore assez nombreux pour balayer l’ampleur du terrain visité par nos Minuscules, à notre grand regret.
Mais le souvenir que l’on garde surtout après avoir butiné les épisodes de la série, c’est cette imagerie aux couleurs magnifiées, légèrement passéiste, que l’on avait déjà rencontrée chez Amélie Poulain. Cette nuance se fait d’autant plus sentir lorsque l’on regarde rétrospectivement le pilote de la série et le court métrage qui lui a précédé (présent dans le coffret DVD). La même histoire, les mêmes personnages, mais filmés alors de manière artisanale. Avec la naissance de la série, la démarche singulière de ses créateurs a pris son envol, puis s’est gracieusement posée lorsque l’équipe a acquis des moyens plus conséquents. Pour le plus grand plaisir de nos yeux.
Pour accompagner ce melting-pot court sur pattes, saluons un environnement sonore à la fois juste, doux et discret. D’une part, les partitions minimalistes et joviales essentiellement pour piano - signées Hervé Lavandier (également compositeur de la musique de Tous à l’ouest : une aventure de Lucky Luke), viennent souligner l’espièglerie ambiante. D’autre part, les bruitages, réalisés avec bonne humeur par toute l’équipe, sont tout simplement fondés sur les analogies de formes et de sons que leur évoquent les insectes : les bruits d’avion, d’hélicoptère, de marteau, mais aussi les ronflements et bruits de bouche font office de langage universel au pays des minuscules. Ce qui contribue d’ailleurs beaucoup à l’énergie comique des situations. Aucune parole humaine à l’horizon, ce choix judicieux rend d’ailleurs l’humanisation évoquée ultérieurement plus instinctive, évitant ainsi l’écueil de la caricature anthropomorphe que l’on retrouve justement chez un Disney.
Comme vous l’aurez compris, Minuscule est un joli coup de cœur en terme de série d’animation. Ce tout petit bijou allie la réussite d’une démarche pertinente, sensible et drôle à une maîtrise technique impressionnante, surtout si l’on considère que l’équipe est d’une taille plutôt familiale. Visant en premier lieu un public très jeune, son deuxième niveau de lecture, plus absurde, appâte sans aucun souci les plus âgés. Au cours des 78 épisodes, on commence même à se prendre d’amitié, voire à s’identifier tantôt à la coccinelle coquine, tantôt à l’escargot futé, tantôt à l’araignée maladroite mais attachante… Sous-titrée « La vie privée des insectes » et diffusée d’abord sur France 2, la série complète est sortie dans un joli coffret de 4 DVD chez Futurikon. En bonus, on s’offre le making of, quelques story-boards complets (très instructifs) et des animatiques 2D, les recherches graphiques des personnages principaux, par Hélène Giraud, et enfin le court-métrage original au titre tout aussi poétique : Mouches à merde.
Alors si vous souhaitez prolonger chez vous le plaisir d'une promenade champêtre, ou tout simplement découvrir les preuves que vos voisins lilliputiens ne sont pas si différents de nous, je vous invite à plonger très vite dans l'univers délicat de Minuscule !
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