Six pieds sous terre
Séries & TV / Critique - écrit par Kassad, le 28/06/2005 (Tags : sous pieds terre   feet vie numero
Le premier mot qui vient à l'esprit est : changement. Je suis sûr que Six Feet Under est tout sauf ce à quoi vous pensez quand je parle de série télévisée. De la mise en scène à la photographie en passant par l'intelligence et la profondeur du scénario, c'est bien simple cette série surpasse toutes celles que j'ai pu voir à ce jour. Elle n'est pas seulement un peu mieux, c'est juste un autre monde, une autre classe.
Alan Ball, le créateur et principal scénariste (une demi-douzaine de scénaristes différents sont intervenus dans SFU) de la série, n'en était pas à son coup d'essai quand il lança Six Feet Under. Il est le scénariste et producteur du magnifique American Beauty. Ses thèmes de prédilection n'ont pas vraiment changé depuis : malaise de l'homme moderne, relations entre les générations...
L'histoire est celle de la famille Fisher. Une famille de croque-morts de Los Angeles. Le père est mort et l'affaire familiale est reprise par ses deux fils, David et Nathanaël (Nate). Leur mère, Ruth, et leur soeur encore adolescente, Claire, complètent le tableau. C'est à travers ce prisme que sont traités des thèmes sociétaux comme ceux de l'homosexualité avec David, du mal être des adolescents avec Claire, la drogue, les grosses compagnies qui tuent le petit commerce etc.
Tout ceci pourrait paraître standard, une série de type dynastique de plus serait on tenté de dire. Rien n'est moins vrai. Tout, jusque dans les moindres détails, est différent. La première chose que l'on remarque est que tous les épisodes commencent par une mort. La mort, ce thème soigneusement évacué du discours, est un tabou rarement abordé. La mort est normalement une conclusion ou une solution dans une narration dramatique : quand le héros ou le méchant meurt c'est généralement l'aboutissement de l'histoire. Ici c'est le point de départ. La mort est ce qui va lancer la narration. D'ailleurs dans le premier épisode, le père de la Famille Fisher meurt (mais il apparaît souvent dans les songes et délires des autres membres). Le coup de génie de cette série est justement de regarder ce qui se passe après. Comment la vie se réorganise, comment cette mort affecte ceux qui restent. Qu'est-ce que vous faites de votre vie ? semble nous dire chaque épisode. Tout prend alors une certaine gravité. Là vient le deuxième coup de génie : l'humour. Sans humour le climat serait trop pesant, et la série presque non regardable. Mais voilà la folie et la trashitude de la famille Fisher allège le tout. Le mélange entre le sérieux (la mort, le lien entre les générations, le sens de la vie), les faits de société (homosexualité, drogue, rapports humains post libération sexuelle) et un brin de folie et de poésie (Ruth notamment et son approche décalée de la vie) donne un mélange étonnant et détonnant. Dans un même épisode vous pouvez aussi bien avoir à faire avec un enfant de 6 ans qui s'est tué en jouant avec une arme à feu (avec la décomposition de la famille que ça implique) qu'aux délires de Ruth qui prend sans le savoir des extas planquées par son fils dans une boite d'aspirine en passant par l'employée qui raconte ses histoires de cul tout en reconstruisant le corps d'un campeur brûlé...
La photographie est elle aussi somptueuse, cela se remarque dès le générique. Du point de vue esthétique on peut noter aussi que dans des "détails" comme l'enchaînement entre deux scènes (qui se fait en passant par un blanc éclatant au contraire des séries standards où la coupure pub se fait en passant par un écran noir) rien n'est laissé au petit bonheur. La BO est elle aussi une réussite, elle regorge de musiques inattendues (solennelle comme dans le générique ou techno/branchée avec de surprenantes trouvailles comme Telepopmusik).
Alors quel est le point faible de cette série ? Franchement le seul que je puisse trouver est que France 2 dans sa grande témérité n'ait osé la diffuser qu'aux alentours d'une heure du matin...