7.5/10Vibrations

/ Critique - écrit par JC, le 20/12/2005
Notre verdict : 7.5/10 - Musiques du monde pour tout le monde (Fiche technique)

Tags : vibrations vibration acoustique exposition vibratoire travail mesures

Il est des pathologies dont on ne parle pas assez. L'éclectisme en fait partie. Une trop grande ouverture musicale pose des problèmes dans la vie quotidienne de bon nombre d'individus.
Par exemple, cette difficulté certaine pour répondre à une question : la célèbre "Et tu écoutes quoi comme musique ?". Hésitation et peur de faire trop long s'enchaînent pour au final rétorquer "un peu de tout" entre dépit et frustration, suivi chez votre interlocuteur de la combo sourcils foncés et moue dubitative habituelle.
Cette incompréhension naît chez des personnes pour qui le monde musical et sa perception restent manichéens : acoustique ou électrique, classique ou électronique, rock ou rap... Alors que les mélomanes atteints de ce "mal" ne désirent qu'une chose : mettre des "et" à la place des "ou".

C'est peut-être cela qui a motivé Elisabeth Stoudmann et Pierre-Jean Crittin a fonder il y a treize ans le mensuel Vibrations, "le magazine des musiques qui varient les genres et les styles parce que la Musique bouge tout le temps". Vibrations, un nom adéquat car au final des pizzicati sur violoncelle au barré sur Ukulélé, d'une ligne de basse à une boucle émise par un sampler, d'un accord bontempi à une voix de griot sénégalais, d'un point de vue strictement acoustique et physique, tout cela n'est que vibrations de tympans.

En quatre-vingt pages environ, le périodique d'origine suisse s'attache à couvrir l'actualité des "musiques du monde" au sens large en rapprochant sons du Nord et du Sud. Ainsi, on peut aussi bien retrouver un dossier sur la culture britannique et ses métissages que les portraits de Brian Eno ou de la doyenne du raï, Cheikha Rimitti, une entrevue du leader de Public Enemy, Chuck D que les déboires du producteur de jazz Alan Douglas lors de sa collaboration avec Jimi Hendrix jusqu'à un papier extatique sur le Fil de Camille (Disque de l'année 2005 pour la rédaction).
Ces articles de fond (6/7 par mois) sont entourés des traditionnelles critiques de disques et de plusieurs rubriques régulières dont on citera, entre autres, "Label" présentation d'un...label, "Chronique américaine" ou la chronique de l'Amérique hors sphère MTV, l'"Ile déserte" avec les dix disques qu'un artiste emporterait dans ce type de situation, "Un disque par la pochette" où graphisme et musique s'entremêlent et "Parlons peu, parlons de moi", la rubrique satirique de Jackie Berroyer, l'ex-standardiste de l'émission Nulle part ailleurs de Canal+.

En dépit de l'ouverture clamée par le magazine, le spécialiste ès world music se sentira peut-être lésé par la lecture du panorama qu'en propose Vibrations. En gros, il se limite à un "Nord" qui laisse exprimer ses racines métissées et à un "Sud" susceptible de plaire aux oreilles occidentales. Cela n'empêche pas le mensuel de rester d'un éclectisme bien supérieur à bon nombre de ses concurrents. L'orientation éditoriale des papiers s'avérant à la fois défricheuse et accessible, le tout avec un ton éloigné de l'élitisme de publications à contenu semblable musicalement comme feu Nova magazine. En lisant Vibrations on se sent pas parisiano-hype mais citoyen du monde, mélomane sans frontières, globe-listener.

En définitive, Vibrations est un magazine vibrant. Par son contenu de qualité mais aussi par sa maquette qui accueille le lecteur avec une photo de une souvent jolie et une mise en page (typo/photo/picto/couleurs) vivante et agréable. Accompagné d'un CD, Vibrations est à essayer pour celles et ceux qui veulent découvrir de nouveaux horizons musicaux.