Le 3615 Ulla ne répond plus

/ Actualité - écrit par nazonfly, le 30/06/2012

Tags : minitel plus france internet services service code

C'est une page importante de l'histoire française qui se tourne aujourd'hui. Comme vous l'avez peut-être déjà entendu, le gouvernement vient de débrancher le Minitel après plus de 30 ans de bons et loyaux services.

À la fin des années 80, la France est en retard au niveau de l'informatique et
France Telecom, c'est comme le Port Salut !
des télécommunications et va s'engager dans une aventure folle : se lancer dans la télématique soit l'alliance d'ordinateurs et de réseaux. Certes la France ne sera pas la seule à tenter d'imposer ce nouveau mode de communication mais notre beau pays sera l'un des seuls dans lequel cette idée fonctionnera. En partie grâce au Kiosque qui permet de faire du Minitel une très grande réussite économique : chaque fois que vous payiez pour un service, 11 vingtièmes du prix allait au service en question et le reste à la Direction Générale des Télécommunications (en gros l'ancêtre de France Télécom si on veut aller vite).

C'est ainsi qu'une myriade de services ont envahi le Minitel, plus ou moins utiles évidemment. On pense bien entendu au 3611, l'annuaire qui, nouveauté inimaginable dans les années 80-90, était mis à jour quasiment immédiatement : plus besoin de passer par les volumineux bottins téléphoniques. On se souvient aussi que dans ces temps reculés, les lycéens pressés qui venaient de passer le bac pouvaient aller voir s'ils avaient leur
L'invasion des Minitels ! Ahhhhhh
fameux sésame sur le Minitel. De la même façon, certains d'entre vous se rappellent peut-être qu'il fallait l'utiliser pour s'inscrire à la fac. Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ont à peine connu bien sûr.

Mais surtout le Minitel restera à jamais associé à ces fameuses messageries roses* qui ont aussi fait son succès : on raconte qu'entre un tiers et la moitié du trafic était lié à ces messageries. Pour la petite histoire, la presse qui avait peur de ce nouveau venu qui allait lui piquer ses recettes publicitaires et ses informations exclusives (oui à l'époque déjà...) avait réussi à négocier que seuls les détenteurs d'un numéro de commission paritaire aient le droit d'exploiter ce fameux 3615**. Ce qui a eu deux conséquences : la presse s'est en partie financée par la messagerie rose (3615 Aline pour le Nouvel Obs) et des fanzines tirés à quelques exemplaires ont été créés pour obtenir ce numéro et in fine se lancer dans le business. C'est ainsi que Xavier Niel, fondateur de Free, a fait fortune...

 

Au niveau culturel, le Minitel aura laissé de grands souvenirs. On pense évidemment à la photo du nouveau Président de 1981, François Mitterrand, qui défile sur un écran de Minitel.

 

On pense évidemment au fameux 3615 Ulla, du nom de ce service érotique qui existait encore hier et ramenait pas moins de 20.000 connexions par jour !

N'oublions pas bien sûr les célèbres 3615 Code Qui n'en veut des Deschiens :

Aujourd'hui ce sont surtout les défenseurs de l'internet libre qui utilisent ce terme de Minitel. Ce dernier représente en effet ce que le web ne doit pas devenir : un service centralisé dépendant du bon vouloir d'une firme au contraire d'un service décentralisé, incontrôlable***. Au final les modèles d'applications comme l'AppStore d'Apple (70 % des recettes pour le concepteur, 30 % pour la pomme) ou encore les réseaux sociaux (coucou Facebook) qui visent à faire passer tout ce que vous partagez par leur page d'accueil n'ont jamais autant ressemblé au Minitel. Ne laissez pas internet devenir un Minitel 2.0.

 

* dont les animatrices étaient parfois des animateurs (voir l'article sur Owni)
** voir la vidéo de l'INA
*** voir, par exemple, l'article sur ecrans.fr

PS : Toutes les images illustrant cet article sont sous Licence Paternité Creative Commons et sont issues du Flickr de believekevin.

Une grande partie des informations de cet article provient de la très bonne émission Place de la toile du 31 décembre 2011 intitulée 2012, la fin du Minitel.