Band of Brothers - Frères d'Armes
Séries & TV / Critique - écrit par Filipe, le 13/03/2004 (Tags : dvd film armes spielberg steven freres brothers
On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut (Nicolas Machiavel).
Dès 1998, Steven Spielberg, qui en a acheté les droits, songe à adapter Citizen Soldiers, le best-seller de Stephen Ambrose, autrefois conseiller historique sur le tournage d'Il faut sauver le soldat Ryan. Tom Hanks y voit également matière à une excellente adaptation : "la guerre vue à travers le destin d'une petite poignée d'hommes, une manière d'entremêler la grande Histoire et les destins particuliers, des témoignages incroyablement précis et émouvants sur trois années de combats, de fraternité, d'angoisse, d'héroïsme... " Band of Brothers témoigne du quotidien de la Easy Company, le 506ème régiment d'infanterie parachutiste de la 101ème Division Aéroportée des Etats-Unis d'Amérique, depuis son entraînement en Géorgie jusqu'à son entrée en Allemagne nazie, en passant par son célèbre débarquement normand et ses quelques campagnes hasardeuses, menées en Hollande puis en Belgique.
Le tournage de ces dix épisodes coïncident avec un investissement direct d'un montant inédit. Plus de 120 millions de dollars et une aubaine pour le petit écran. Au-delà de ses quelques acteurs récurrents, qui ont accepté de se soumettre à un entraînement intensif dès avant l'inauguration de son tournage, la série a employé plus de 10 000 figurants, plus ou plus anonymes. "Il faudrait [cependant] une bonne dose d'orgueil ou d'inconscience pour croire que nous puissions, grâce au langage cinématograhique et aux techniques les plus modernes, restituer de façon parfaitement exacte ce que représentait pour tous ces hommes le fait de partir à la guerre, ces mois d'entraînement, ces années de combat sans certitude de victoire ni garantie de survie "(Tom Hanks). Quoi qu'il en soit, la série Band of Brothers a été présentée en avant-première sur la plage d'Utah en Normandie le 6 juin 2001, à l'occasion du 57ème anniversaire du Débarquement des Alliés.
Tant que la guerre sera regardée comme néfaste, elle gardera sa fascination. Quand on la regardera comme vulgaire, sa popularité cessera (Oscar Wilde).
"Une bonne histoire divertit, éduque et éclaire tout à la fois. J'espère que nous divertirons ceux qui aiment le grand spectacle, que nous éduquerons ceux qui ignorent l'histoire de cette période et que nous éclairerons ceux qui ne réalisent pas ce qu'a coûté la défense de la liberté "(Tom Hanks). Au-delà de cette aventure à la fois vécue et indirectement retranscrite par ces frères d'armes, à travers un certain nombre d'interventions subsidiaires de leur part au cours de la série, l'histoire tout court y tient une place essentielle : une histoire événementielle (la chronologie des événements, les bouleversements géopolitiques engendrés...) mais aussi une histoire des mutations visibles et des processus de plus grande amplitude. Les travaux d'enquête et de documentation, qui dépassent de très loin ce qu'on a l'habitude d'appeler les sources documentaires d'une oeuvre, se sont avérés essentiels pour évoquer ces logiques proprement historiques, les rendre sensibles tout en maintenant leur exactitude et leurs inter-relations. Chaque détonation visuelle ou sonore précise la nature de ce contexte effroyablement authentique et difficilement enviable de nos jours. Plusieurs passages pèchent par excès de précaution ou de défiance mais n'entravent nullement le déploiement d'une vaste composition cinématographique, agrémentée d'une certaine variété de discours et de tonalités.
Un certain nombre d'épisodes de guerre sont invoqués, que leur déroulement influence ou non les déploiements militaires de la Easy Company. Au-delà de ces faits surgissent toutes sortes d'opinions, qui instituent une sorte de suspension du sens qui exige du spectateur une contribution sans précédent. Nul discours n'est cédé au hasard, contrairement à la survie des soldats et à l'achèvement des assauts alliés ou ennemis. Sans intervention visible des auteurs, les images induisent un sens moral, qui s'impose de façon incontournable au fil des contretemps qui nous sont narrés. Un sens moral que l'on entrevoit régulièrement autour d'oeuvres et d'auteurs engagés des siècles passés, présents et à venir.
Oh Barbara, quelle connerie la guerre (Jacques Prévert).