8.5/10La Commune - Saison 1

/ Critique - écrit par JC, le 27/11/2007
Notre verdict : 8.5/10 - Ma 6-T a crack-é (Fiche technique)

Comme Engrenages, Mafiosa et Reporters, la série ose prendre le téléspectateur pour un adulte. Et grâce à son approche allégorique, elle tutoie des sommets.

Posséder un décodeur Canal+... Une source de souffrance lorsqu'on aime le football français. Mais souvent un bonheur pour les amateurs de fictions hexagonales. Après Engrenages, Mafiosa et Reporters, la chaîne cryptée fait de nouveau passer ses concurrentes pour des grabataires avec La Commune. Une série innovante, radicale et réussie où la cité se mue en prison à ciel ouvert, décor d'une tragédie grecque.

Isham Amadi
Isham Amadi
(© Lahcène Abib / Canal+)
La Commune lâche le téléspectateur au milieu des colonnes de pierres d'une cité HLM sur le point d'être détruite - pleine à craquer d'êtres détruits. C'est le cas de François Lazare, 35 ans, qui décide de revenir s'y installer après vingt années passées derrière les barreaux pour le meurtre de deux policiers de la brigade des stups. Converti à l'islam, devenu Isham Amadi, il fait son retour des velléités politiques en tête, défiant un cortège médiatique et les spectres du passé. Parmi eux, Housmane Daoud, son ancien meilleur ami d'enfance, présent sur le lieu du crime à l'époque et aujourd'hui parrain bien installé, secondé par son bras armé Milan. Anita Rossi aussi, directrice du centre social de La Commune, ou encore Denis Moreau, fils d'un des policiers abattus...

Egrénant une large palette de personnages, La Commune n'a pas peur de tisser des lignes complexes entre les problèmes exposés : islam radical, trafic de drogues, misère sociale et sexuelle. La série nous enfonce davantage dans ce cercle infernal par son ambiance pesante et intense, retranscrite de main de maître par Philippe Triboit, réalisateur des quatre premiers épisodes d'Engrenages et de L'Embrasement. A cela s'ajoute des acteurs justes comme rarement à la télévision française. On tire particulièrement notre chapeau aux performances de Francis Renaud, amaigri et crédible dans le rôle d'Amadi, Stefano Cassetti, inoubliable Robert Succo sur grand écran, ou Stéphane Debac qui interprète un dégueulasse premier adjoint au maire.

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(© Lahcène Abib / Canal+)
Cependant ce qu'on retient plus encore dans cette série, c'est son culot. Dans ce tumulte blafard et nerveux, le téléspectateur n'échappe à rien. Tour de force : La Commune ne tombe pas dans les clichés. Elle les sublime. Abdel Raouf Dafri, ancien reporter de France3, présente une cité idéalisée jusqu'à l'impur. Un parti pris allégorique qui permet de mettre de côté la réalité documentaire des banlieues françaises pour apprécier une œuvre pétrie de symboles dans l'esprit des fresques mafieuses du cinéma de Coppola ou Scorsese. Une succession de drames humains, de violences funestes, qui prennent une autre dimension face à des situations désespérées.

Empruntant à Oz (Tomer Sisley, convaincant dans le rôle du coryphée, personnage omniscient issu de la tragédie grecque), The Shield ou Sur écoute, La Commune assume ses références mais déploie assez de qualités propres pour se détacher de ses pairs américains. Comme Engrenages, Mafiosa et Reporters, la série ose prendre le téléspectateur français pour un adulte. Et grâce à son approche allégorique et radicale, elle passe un cap et tutoie des sommets. Bravo à la chaîne cryptée et vivement la deuxième saison.