5/10Guts

/ Critique - écrit par JC, le 27/04/2006
Notre verdict : 5/10 - Tous les Guts sont dans la nature (Fiche technique)

Tags : guts hip feat all album from francais

Guts, le "magazine des gens qui osent", est juste un canard pas classe qui ne masque pas sa beauferie en l'érigeant au rang de ligne éditoriale.

Après la radio et la télévision, qui l'ont consacré comme une des personnalités les plus populaires de France, Sébastien Cauet s'attaque à la presse. Le 30 mars dernier, l'animateur-producteur lançait en effet son premier magazine, le bimensuel Guts, avec comme slogan "le magazine des gens qui osent". Cela grâce à un triumvirat composé de Sébastien Cauet, Gérard Ponson (éditeur de Choc et d'Entrevue) et Hachette Filipacchi Médias (groupe Lagardère) bouclant la boucle de l'emprise médiatique de l'animateur de La Méthode Cauet.

Un tel lancement ne pouvait pas être raté par l'équipe média de Krinein. Critique.

Ami(e)s du bon Guts

Ouverture avec une rubrique à rubrique du magazine pour essayer d'en donner un aperçu (effectuée uniquement sur le premier numéro de la publication).

People :
Ca commence par une interview (pour le numéro 1, Curtis Jackson alias 50 Cent) et termine par un retour sur la une du mag. Entre temps le lecteur a le droit à un classement des people bourrés.

Sport :
Axée football à fond, la rubrique propose un interview d'un joueur de stature internationale (Grégory Coupet dans le numéro 1), entrevue suivie par une double pages dédiée à l'amitié virile entre pro du ballon rond puis encore un top sur les "molosses du stade", les gueules cassées du rugby.

Ils osent :
Avec la rubrique "Ils osent", Guts revêt se habits de Choc, des photos censées être incroyables et laisser le lecteur béat devant : le gigantisme d'un sanglier en plaques de métal soudées, les clichés de la Luxembourgeoise Simone Decker, spécialiste du trompe-l'oeil, la pratique du bobbycar racing, une déclinaison de la caisse à savon sur des voiturettes de bébés, un retour sur l'assaut du porte-avion Clémenceau par Greenpeace, le pole dancing et des cascades.

Sexy :
Avec une telle rubrique, Guts se veut le sauveur de la cause masculine en répondant à leurs fantasmes inassouvis. Ici, il s'agissait de jumelles mutines et légères.

Défi :
Que serait l'univers de Cauet sans un petit défi où l'on montre au minimum ses fesses ? Pas grand chose. Et c'est l'ex-Morning Live, Cyril Hanouna qui s'y colle en proposant de l'argent contre une "performance" de la part d'un anonyme. 60 euros pour accepter de se faire recouvrir de miel et de plumes ou 50 euros pour boire d'un trait une bouteille de ketchup. Cela suivi d'"A poil dans la ville", de "C'est l'heure de la sieste" (des individus font semblant de dormir dans des endroits insolites). Après cela, une double page consacrée aux pénis s'enchaîne avec une autre dédiée aux fesses stringuées, puis encore une avec photos où un doigt s'est glissé (ndlr : le majeur). Les défis de Guts se clôturent sur "J'ai déguisé mon chien" en Yoda, panda, en Spider-Man, etc.

Conso :
D'abord un guide d'achat qui expose différents produits : platines pour aspirants DJ's, karaokés, gadgets USB (dont un vibromasseur), jeux vidéo, cosmétiques pour retour de gueule de bois, streetwear, bling-blings bad boy. Ensuite un focus sur les voitures. Caisses de footballeurs, compétitions californiennes de low riders (ces voitures modifiées par de nombreux gangs latino de Los Angeles qui sautent) et engins motorisés utilisés par les polices du monde.

Web-Girls :
Alignement de filles entre 20 et 29 ans posant de façon suggestive, marquées géographiquement, et capables de parler pour émettre des propos tels que "Pour les gâteries, je suis assez douée..." (©Jennifer) ou "J'adore qu'on embrasse mes seins" (©Sabrina). Avec en bas de pages, un éventail des web-girls les plus célèbres dans le monde. Une sorte de prolongement du mythe américain de la girl next door, la fille d'à côté, la voisine à la fois proche et inaccessible, mais à l'échelle du Web.

TV :
Programme de télévision sur deux semaines, agrémenté d'interviews et de focus.

Au fil des pages, Cauet est présent de manière sporadique pour glisser quelques bons mots de son cru afin de rappeler à ses lecteurs que Guts est bel et bien son magazine.

Concernant la qualité de l'écriture de journalistes de Guts, il est vrai que leurs blagues sont souvent bien peu subtiles, mis à part ça, il est difficile de les juger sur leur style journalistique, leurs papiers (hors interviews) n'excédant presque jamais les 1.500 signes.

Assume tes Guts

Après la description, vient l'affaire de l'analyse. Un truc coton. Il suffit en effet de lire ce que contient Guts pour savoir si oui ou non on appréciera le magazine. On pourrait, il vrai, s'attarder sur le fond de l'histoire. Par exemple sur l'expansionnisme de Sébastien Cauet dans les médias (télévision, radio, presse) et au-delà (l'opération "Cauet burger" en association avec la chaîne de fast-food belge Quick lancée le 6 avril dernier), ou sur la version consumériste que Guts donne à voir de la société à coup de double pages sur les bagnoles, le foot, les bling-blings en tout genre, et surtout sur une image pas très reluisante des femmes (litote).
Mais bon, le bonhomme n'a rien inventé. Guts est semblable dans les grandes lignes à d'autres torchons, hum, pardon, périodiques tels que Closer, Public ou Choc. De plus, si Guts illustre par ses choix éditoriaux les avatars de la société de consommation, le magazine ne fait finalement que lui tendre un miroir. On concédera que le reflet est moche... Enfin, concernant l'image de la femme, on peut imaginer que les filles présentes dans ses colonnes ont donné leur accord pour apparaître dans la publication au contenu cautionné par Marie-Laurence Vieillard, directrice de la rédaction.

Guts est difficile à critiquer car il est plus qu'un canard supplémentaire sur les étales des libraires, il est un petit morceau de valeurs sociétales rectangulaire. Qu'on le déplore ou pas, force est de constater que Cauet est populaire chez une frange de la population qui a le droit à son magazine : les mecs pré-pubères auxquels ils manquent une copine et de l'amour propre. N'ont-ils pas droit à l'équivalent de Télérama pour les enseignants, de Stratégies pour les gens du marketing ou de Picsou Magazine pour les enfants ? Peut-être un peu, au final.

Qui plus est, Guts a l'avantage de ne pas être malhonnête et d'annoncer la couleur (marron, il va sans dire). Premièrement grâce à son titre qui signifie en Français "trippes", deuxièmement dès l'éditorial en page 3 signé de la main de Cauet : "Guts est VOTRE journal, alors nous comptons sur vous pour en faire un magazine décomplexé, ludique, potache et incontournable".

Explication de texte. "VOTRE journal", effectivement, Guts est le journal de la cible de Cauet, ses fans masculins ; "décomplexé", et oui c'est un peu affirmer sa beauferie que d'acheter Guts ; "ludique", pas de mots fléchés ni de su-doku mais du test et de l'interactivité par le biais d'SMS ; "potache", besoin de développer ? ;"incontournable", dans son style difficile de faire mieux.

A travers cette phrase Cauet montre qu'il n'a pas la prétention de livrer un magazine "agitateur culturel" pour reprendre un slogan galvaudé. Un moindre mal. Il s'agit simplement du magazine potache d'un humoriste tout aussi potache possédant une large audience amatrice d'une telle finesse, et donc bien malin niveau techniques commerciales. "Démonter la race" de Guts reviendrai à lui accorder plus de crédit que ce qu'il a à donner intrinsèquement : un pov' contenu. Des diatribes de ce type, attendues de la part de Sébastien Cauet, ne ferait qu'alimenter un discours typique tel "les médias culturels dénigrent la culture populaire, nous sommes incompris". Une façon de faire mousser une identification clanique et de créer une curiosité que Guts ne mérite certainement pas.

Les Crados version 2006

En définitive, Guts est un peu comme l'album des Crados, sale et rigolo quand on est jeunot. Cependant, passé l'acné, passé les romances avec amoureuses sur papier glacé, pour faire de Guts sa référence éditoriale, il faut vraiment penser qu'avoir les cheveux courts dessus et longs derrière est la classe ultime. Au mieux, le magazine peut être considéré comme une alternative masculine à Closer ou Public, le genre de publication qu'on lit en cachette en se trouvant bébête.

Guts, le "magazine des gens qui osent", est juste un canard pas classe qui ne masque pas sa beauferie en l'érigeant au rang de ligne éditoriale. Un semblant d'honnêteté qui place le séant de votre critique entre deux tabourets retournés pour une note de 5 à laquelle il ne faut pas prêter attention. Les fans masculins de Cauet seront conquis, les autres cercleront mentalement le magazine d'un oval signifiant zéro.


Place à l'italique pour revenir sur la polémique qui veux qu'il serait difficile de noter un magazine sur un unique numéro. Cette critique en est un avatar, elle a été réalisé sur le premier numéro du périodique. Il est cependant plus que plausible que Guts devrait conserver sa ligne éditoriale, sa raison d'être, et ne pas connaître de revirement à valeur ajoutée pour l'intellect. Une veille sur l'évolution de Guts sera cependant effectuée pour débusquer toute amélioration ou régression.