8.5/10Nip/Tuck - Saison 4

/ Critique - écrit par gyzmo, le 12/01/2007
Notre verdict : 8.5/10 - crac / boom (huuuu !) (Fiche technique)

Tags : saison eur christian sean coffret livraison tuck

Après une troisième saison quelque peu décevante, toute en dents de scie et à l'invraisemblance repoussée au-delà de ses antécédents, il était temps que le démiurge Ryan Murphy replonge ses pattes virtuoses dans le cambouis engraissé de son Nip/Tuck.

Tous ceux qui suivent de loin ou de près l'actualité des séries télévisées n'ont sûrement pas pu échapper au phénomène Nip/Tuck tant cette production de la chaîne américaine FX a suscité controverses et bavardages depuis sa création, en 2003, par Ryan Murphy. Et bien figurez-vous que par la présente chronique, prolongement de l'imposant diagnostic préparatoire du docteur Djak, j'ai décidé d'en remettre une petit couche, histoire de s'adonner aux plaisirs de la décortication, à travers l'examen rapide de la dernière saison en date, la quatrième donc. Alors ne perdons pas trop de temps, mes petits : enfilez tunique col en V et bonnet head'n shoulder, gantez de latex vos menottes désinfectées, portez fièrement le masque anti-postillons, aiguisez vos outils à l'unisson, un, dos, tres, faites chauffer les platines, car nous voilà opérationnel pour jouer les saigneurs de la charcute !

living / dead


Marque de fabrique oblige, chaque épisode prend appui sur une intervention chirurgicale singulière à travers laquelle diverses thématiques sont abordées, même si cette année, au milieu des demandes plus ou moins insolites (et poétiques), les désagréments de la vieillesse reviennent souvent sur le tapis. Un tapis qui ne fait plus trop grincer les rouages d'un travail à la chaîne. En effet, fidèles au concept d'origine, en un peu plus affirmé, les scénaristes ne se contentent pas de créer des rôles jetables à usage unique. Une grande partie des patients du cabinet McNamara / Troy, par leur présence ou évocation récurrente, laissent derrière eux des empreintes à suivre, déclenchent des situations à rebours et participent à la structure générale de ce quatrième rendez-vous foisonnant de troubles. La psychologue jouée par Brooke Shields, à la base imaginée pour participer à une seule séance, valide cette soif de rallonger l'existence de l'habituelle figuration. La présence de nombreuses guest-stars contribue pareillement à faire de cette saison un remodelage lustré à la cire, d'autant plus que les clients incarnés par quelques célébrités ne passent pas non plus en coupe-vent. Plutôt que de miser le paquet de dollars sur la B.O. - encore une fois entretenue avec saveur (The Submarines, Oasis, Gotan Project, Rinocerose, The Rolling Stones...), les producteurs ont préféré gonfler le budget alloué au casting afin de s'offrir les services prolongés de Larry Hagman (JR dans Dallas), Jacqueline Bisset - cynique à souhait, ou Mario Lopez (Slater dans Sauvés par le gong), pour ne citer que ces trois people. Sans trahir leur identité et prendre le risque de vous gâcher la surprise, des tronches inoubliables (car pétrifiantes) des deux premières saisons font leur come-back sur le billard. Interdépendants, ces retours d'abord inattendus, ensuite très piquants, réorientent l'esprit Nip/Tuck vers de meilleurs auspices. Un joli retour aux sources que celui-ci, bien plus qu'un simple clin d'oeil, serviteur d'une unité moins foutoir que d'ordinaire. Ryan Murphy se paye même le luxe de réinjecter dans les hantises de nos héros l'image résiduelle de leurs anciennes conquêtes, héroïnes secondaires dont l'ADN embaume encore les préliminaires de la série. Cette opération ingénieuse favorise l'accomplissement d'un puzzle grandiose, construit de pièces en apparence éparses. L'assemblage de toutes ces mini-intrigues - qui puise ses collages dans l'ensemble de la franchise - n'apparaît pas convergent tout de suite. Mais mine de rien, le résultat final est homogène ou semble avoir été guidé en amont par un synopsis prévoyant et rigoureux. Du boulot d'orfèvre, en somme.

vices / versa


Nouvelles têtes pour nouveau départ, Nip/Tuck délaisse le Découpeur qui faisait office de fil rouge depuis des lustres. Une mise en touche salutaire dont les débordements poussifs - bien qu'exaltants au demeurant - ont fini de ternir l'image de la série, faute au "n'importe quoi" de son ultime révélation grotesque, selon moi. Ceci dit, il n'y a pas d'autres chamboulements majeurs par rapport au sacro-saint précepte suivant : nos résidents préférés de Miami et leurs jouissives amoralités sont toujours, sinon plus, au coeur des préoccupations scénaristiques. Super-héros de la débauche, McNamara / Troy et compagnie constituent une espèce rare d'individus qui ont le chic pour se jeter tête la première dans de sales draps. Ainsi, mentir à la pelle, succomber aux tentations, trifouiller corps et esprit, rouler autrui dans la boue, manipuler, menacer, passer à tabac et se droguer à petit feu sont des automatismes naturels de leur quotidien. L'hymne à la superficialité décadente, autre valeur sûre de Nip/Tuck, ne prend pas une gerçure en cet hiver. Bien au contraire. Mais derrière le clinquant, l'âme humaine n'a jamais été aussi fiévreuse. Au fil des épisodes, la couche de vernie de tout un chacun s'effrite pour laisser s'échapper le pus nauséabond de leurs actes manqués. Conséquence : une addition acide sous le signe de la perdition dans laquelle nous est proposé un possible salut... Je n'en dirai pas plus... Pour couronner ces joyeusetés, glauque et sanglant continuent d'être la couleur dominante, en plus sombre. Certains passages liés au trafic d'organes, par exemple, atteignent sans problème les frontières de la monstruosité, d'un point de vue visuel (pour les yeux sensibles), mais surtout moral. Les acteurs responsables de cette longue et sinueuse trame secondaire, motivés par d'étranges pressions et autres appétits insondables, n'en deviennent que plus saisissant de complexité. Un régal amer, qui tient en haleine. Fort heureusement, les ondes négatives savent rester en retrait l'espace d'un instant pour laisser le spectateur se nourrir de choses moins déprimantes (... quoique). Les réflexions autour de la différence physique, affrontée de front par la famille de Sean, sont exposées avec intelligence, suivant plusieurs angles d'approche. Les scénaristes profitent de ce cercle privilégié pour livrer des informations inédites sur le passé, les relations ambiguës et le devenir des personnages principaux. A ce propos, comment ne pas craquer devant l'épisode situant son histoire dans le futur ? Projection géniale, émouvante et cocasse, les fans vont trembler des zygomatiques autant que devant l'épisode sauce Santa Clauss. Car si Nip/Tuck n'est pas à première vue une production comique, elle n'est pas non plus à prendre au premier degré. L'humour - saignant, cuit à point ou carbonisé - reste un atout sporadique de son caractère qui aime mélanger les genres et les émotions.

Après une troisième saison quelque peu décevante, toute en dents de scie et à l'invraisemblance repoussée au-delà de ses antécédents, il était temps que le démiurge Ryan Murphy replonge ses pattes virtuoses dans le cambouis engraissé de son nip/tuck et nous rafistole les dégâts causés par cet improbable de Découpeur. Coups de scalpel maîtrisés et lifting réussi aux cicatrices quasi invisibles, on ressort avec l'impression de ne pas s'être fait arnaquer. Mieux encore, cette bonne affaire n'a pas à rougir d'une comparaison avec la quintessence de ces précédentes consoeurs. Amour, sexe, gore et perversion forment le quatuor gagnant. Et à son bénéfice, une foule de prestiges : du beau monde de passage (Catherine Deneuve, Alanis Morissette, Kathleen Turner, Richard Chamberlain, Melissa Gilbert...), des seconds couteaux à la psychologie travaillée et aux destins funestes, des péripéties hallucinantes (mais pas trop hallucinées), des réactions impulsives, et un éventail de sentiments à disposition des téléspectateurs. Ancrée sur les pivots d'une méthode qui marche, la saison prochaine prévue pour septembre 2007 devrait s'ouvrir sur d'autres horizons, propices au renouveau tapageur et démesuré, avec l'apparition attendue d'illustres stars hollywoodiennes telle que Nicole Kidman (confirmée). D'ici là, les fidèles de Paris Première peuvent dès à présent suivre l'actuel chapitre depuis ce 1er janvier. Quant aux autres intéressés, il faudra patienter jusqu'à cet été pour afin assister sur M6 aux aléas vertigineux de Christian Troy et Sean McNamara, aux sommets de leur art (et de leur faiblesse).