5.5/10On ne peut pas plaire à tout le monde

/ Critique - écrit par iscarioth, le 28/04/2005
Notre verdict : 5.5/10 - Bon talk-show, mauvaise émission ? (Fiche technique)

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C'est constatable dès le début de l'émission, avec le sommaire, On ne peut pas plaire à tout le monde s'attaque à des sujets très actuels : politiques, sportifs, artistiques et même sociaux. Les invités sont souvent des personnalités au top de leur forme médiatique.

Marco, un vrai petit roquet

Avec les talk-show, on peut distinguer deux grands types de présentateurs intervieweurs : le journaliste intéressé et documenté qui, à force de questions larges mais orientées va amener son invité à discourir longuement et, à l'opposé, le journaliste qui sait dès le départ où il veut amener l'interviewé et quelles phrases il veut entendre. Marc-Olivier Fogiel fait assurément parti de cette seconde catégorie. Le jeune roquet assomme tellement ses invités de questions et de phrases choc dans son émission qu'on a clairement l'impression de l'entendre plus souvent lui que tous ses invités. Rares sont d'ailleurs les interviewés qui arrivent à finir leurs phrases. « Qui ça ? », « Dites les choses clairement », « Des exemples ! », « Vous pouvez donner des noms ? »... Fogiel extirpe de la bouche de ses invités les choses qu'il veut entendre. Parfois, le retour de flamme est violent face aux invités possédant de la répartie. A ce niveau, On ne peut pas plaire à tout le monde fait preuve de beaucoup plus d'honnêteté que la plupart de ses émissions concurrentes, pour la bonne et simple raison qu'elle est en direct. Marc-Olivier Fogiel a beau se démener pour amener ses invités là où il veut qu'ils aillent, le direct ne ment pas. On voit souvent des invités renvoyer à Fogiel ses uppercuts avec, souvent, beaucoup plus de force et de classe. Guy Carlier est, quant à lui, beaucoup plus en retrait. Le bonhomme intervient à sa guise, au fil de l'émission. Il prend parfois la parole plus longuement pour décocher des tirades rythmées et incisives. On ne peut pas plaire à tout le monde est une émission beaucoup plus agréable à regarder que tous ces talk-show tronqués et déformés au montage comme On a tout essayé.

Mise en scène et réalisation honnêtes.

La réalisation de On ne peut pas plaire à tout le monde est sobre et naturelle, presque conviviale, à l'opposé des ridicules émissions proposées par Julien Courbet. La mise en scène se place dans les canons de la mouvance télévisuelle actuelle, avec des plans à images multiples, saisissant un visage et un écran vidéo ou plusieurs visages en même temps. Tout cela sans excès. On sent une volonté d'instaurer une atmosphère plutôt détendue et conviviale et pas celle d'orienter vicieusement l'oeil du téléspectateur.

Les chiens aboient, la caravane passe

Le plus énervant reste sans doute l'attitude parfois très irrespectueuse de Fogiel et Carlier. Les deux compères n'hésitent pas à s'acharner bêtement sur quelques spécimens choisis, souvent des célébrités issues de la Real TV. Ils s'amusent alors à rabaisser plus bas que terre leur invité en le réduisant à un stéréotype minable. Les remarques et formules irrespectueuses, voire même déplacées, se bousculent alors dans la bouche de Fogiel. On se souvient d'un Titoff piqué au vif ayant fait les bons moments du Zapping. Fogiel essayait de faire « avouer » à Titoff qu'il était « le Marseillais de service », lequel s'était énervé en répliquant qu'on pouvait tout aussi bien cantonner Fogiel au rôle d' « homosexuel de service ». Cette manière de provoquer les invités a parfois du bon. Fogiel connaît bien ses sujets, on le sent documenté. Il met souvent ses invités en position délicate en leur citant des déclarations prononcées par leurs supérieurs hiérarchiques ou par eux-mêmes. Mais l'impertinence de Fogiel a, fort heureusement, ses limites. On le sent plus indulgent avec certains invités qu'avec d'autres. Quant il interviewe des invités au vécu difficile, faisant face à une grande injustice, à une souffrance physique ou morale (violences, inégalités), Fogiel se montre plus sensible, plus fin et respectueux, coupant moins la parole.

Distrayant et/ou constructif

On ne peut pas plaire à tout le monde s'étale sur presque trois heures. Trois heures de talk-show, ça peut sembler long. Mais l'émission est structurée de manière à ce que les sujets s'enchaînent, rythmés par des mini-reportages. Ces derniers, s'ils ne traitent pas toujours d'un thème fort intéressant, sont bien construits, avec un sens critique aiguisé, sans êtres diffamatoires. Comme tous les travaux de montage et de synthèse, ces reportages comportent une grande part de subjectivité. Mais, dans l'ensemble, ils sont plutôt bien menés, mettant le doigt sur des phénomènes ou informations parfois peu éclairés par les médias.
Les sujets s'enchaînent très vite. On ne peut pas plaire à tout le monde est un talk-show à la thématique multiple, conçu pour être divertissant, avec des sujets dans l'air du temps. En regardant On ne peut pas plaire à tout le monde, il ne faut pas croire pouvoir toucher le coeur d'un débat et creuser véritablement sa réflexion personnelle. On est loin d'une émission comme Ripostes qui propose un débat articulé, orchestré et structuré autour d'un thème, avec des intervenants nombreux et diversifiés. On ne peut pas plaire à tout le monde met le doigt sur des sujets d'actualité ou de société mais ne se donne pas le temps de creuser une véritable réflexion, de dégager des questions majeures, des idées fortes. Chaque exposé-débat-interview est mené assez superficiellement, sur une vingtaine de minutes. Divertissant mais incitant peu à la réflexion constructive. En somme, ce que l'on peut reprocher à On ne peut pas plaire à tout le monde, c'est ce que l'on peut reprocher aux talk-show en général...

Si vous voulez avoir un aperçu plus vaste et moins encadré des réflexions et pensées de messieurs Guy Carlier et Marc-Olivier Fogiel, je vous conseille fortement le visionnage des 20 ans du Zapping, film pour lequel les deux compères, et d'autres, nous livrent leurs conceptions de la télévision.