Science & vie
Séries & TV / Critique - écrit par nazonfly, le 06/10/2008 (Magazine de référence en France de la vulgarisation scientifique, Science & vie est-il sur une mauvaise pente ?
La vulgarisation scientifique n'a pas tout le temps l'accent québécois d'Hubert Reeves. En France, elle se matérialise dans le bientôt centenaire Science & vie : le magazine a été lancé en avril 1913 sous le titre plus long de La Science et la Vie. Aujourd'hui il atteint le chiffre de 350.000 exemplaires payés (source : le site Science & vie citant l'Office de Justification de la Diffusion 2005) et est lu par 3,5 millions de personnes (dont 1,9 millions d'hommes croit bon de nous rappeler le site). Plus qu'un magazine de référence dans le monde de la vulgarisation scientifique, c'est un point lourd de l'édition nationale.
Le poids des mots, le choc des photos
It's on !Ce qui accroche d'entrée dans le magazine, c'est sa couverture qui semble hésiter entre verser dans le sensationnalisme et rester plus distant. Ainsi le numéro 1081 est un Spécial Fin du Monde (rien que ça !) avec un titre Quand le ciel nous tombera sur la tête... accompagné d'une boule enflammée. Le 1086 traitera ainsi Le Dossier noir des énergies vertes, le 1090 titrera Et si la mer montait de 3 mètres... Cette façon d'accrocher le chaland est certes regrettable, heureusement ce titre s'accompagne d'un dossier plus long et intéressant. La diversité de ces dossiers représente finalement la diversité du magazine, puisque des points aussi différents que l'écologie (des OGM aux énergies vertes), la physique ultra-poussée (Théorie du tout, boson de Higgs) ou les neurosciences (la Mémoire) sont abordés dans chaque numéro. Histoire de faire un point sur les presque dernières découvertes. Ainsi le numéro 1093 revient sur les planètes extra-solaires et sur les possibilités d'existence d'une vie extra-terrestre, qui seraient plutôt minces. La plupart des gens étaient sans doute restés à l'idée de milliers d'autres Terre dans l'univers, un concept qui avait déjà mis des dizaines d'années à atteindre la population. Science & vie se permet ainsi de ramener du doute dans la pensée. Certes, quand connaît le cheminement d'une idée à partir de l'illumination, de la mise en place à de l'exposition au public scientifique, on se doute bien que le magazine n'est pas à l'extrême pointe du progrès. Mais il semble au moins être le plus à la page possible.
Une lecture participative
Ça fait peur hein ?Science & Vie n'hésite pourtant pas à défendre certaines théories originales. Ainsi on les a vus donner la parole à un scientifique pour qui les pyramides d'Egypte ne seraient pas constituées de pierres taillées, mais de béton coulé ! Ou encore celle de Garrett Lisi, scientifique freelance et fan de surf, qui aurait trouvé la pièce manquante dans la Théorie du Tout (théorie qui est censée faire le lien entre la relativité générale et la mécanique quantique). Des dossiers qui engendrent souvent des retours intéressants dans le courrier des lecteurs qui ouvre le magazine. Car, c'est une nouveauté, les lecteurs interviennent de plus en plus dans le magazine. Les questions et réponses ont notamment pris une place importante depuis quelques années : le principe est simple, les lecteurs envoient une question (Pourquoi les pygmées sont-ils si petits ? Quelle est la composition exacte de l'essence ?) et le journal propose une réponse. Une sorte de E=M6 (avant que l'émission ne devienne l'horreur qu'elle est aujourd'hui) ou de C'est pas sorcier, version magazine. Sans doute pas la partie la plus novatrice et étonnante, mais en tout cas, celle le plus en rapport avec la vie quotidienne. Et celle qui intéresse le plus de lecteurs ?
Le quotidien au coeur du magazine
Couching with youLe magazine semble d'ailleurs s'être resserré depuis quelques temps sur ces objets de la vie quotidienne, en proposant d'autre part une chronique Technofolies, où sous couvert de découverte de nouveaux objets technologiques (le dernier appareil photo numérique, la dernière voiture intelligente, le dernier duvet chauffant), Science & Vie semble plus faire de la publicité à moitié déguisée. De la publicité, il y en a d'ailleurs un peu, beaucoup, à la folie, et principalement pour des voitures (près de la moitié pour le numéro 1093 par exemple). A se demander s'il y a bien la moitié des lecteurs qui sont des lectrices. Ces publicités, cachées au milieu des dernières actualités, ne parviennent pas à détourner le lecteur de ces nouveautés toutes fraîches issues des labos. Toutes fraîches ? Difficile parfois de le dire, car l'un des principaux écueils de Science & Vie (mais le lecteur moyen s'en moque probablement) est l'absence de toute référence dans les articles. Tout juste parfois quelques Nature ou New England Journal of Medecine sont signalés. Pour un scientifique, ne pas voir dans un article les références d'une revue sérieuse est presque un sacrilège ! Le public visé n'est bien sûr pas le scientifique, mais le grand public, ceci expliquant certainement cela.
Au final, Science & Vie est-il un bon magazine de vulgarisation scientifique ? La réponse est indéniablement oui. Chaque mois, un aperçu de ce qui fait bouger la planète scientifique décrit par des explications claires, de belles illustrations et des schémas efficaces. Et le magazine n'oublie pas de parler des controverses (affaire Bogdanov, Intelligent Design) qui agitent le monde extra-scientifique. Il n'en reste pas moins que les dernières évolutions du magazine (plus de quotidien, plus de publicités, plus de sensationnalisme) semblent l'entraîner sur une pente dangereuse. Comme d'ailleurs de nombreux autres magazines.