Sherlock - Saison 1
Séries & TV / Critique - écrit par riffhifi, le 16/10/2010 (Tags : sherlock saison holmes episode episodes watson france
Après avoir modernisé le Dr Jekyll et repris en main le Dr Who, c'est au Dr Watson que Steven Moffat présente le XXIème siècle... en invitant bien entendu son ami Sherlock. Une des meilleures relectures des célèbres personnages de Conan Doyle.
Tout en chapeautant les aventures du docteur Who, le scénariste Steven Moffat parvient simultanément à écrire les adaptations cinématographiques de Tintin (actuellement en cours de production sous la double houlette de Steven Spielberg et Peter Jackson) et à lancer une nouvelle série consacrée à Sherlock Holmes. L'annonce avait de quoi faire frémir : Moffat ne courrait-il pas trop de lièvres à la fois ? Le détective de Baker Street ne serait-il qu'un choix opportuniste destiné à surfer sur le succès de la version Guy Ritchie ? La modernisation du sujet ne serait-elle pas l'exemple-type d'une fausse bonne idée vouée à l'échec ? En réalité, la BBC semble s'être posée les mêmes questions. Au lieu de commander une saison entière (ce qui, en Angleterre, représente environ treize épisodes), elle a préféré se contenter de trois histoires, développées chacune sur un format 90 minutes. Mais maintenant qu'on a vu ces trois-là, la deuxième saison ne saurait arriver trop vite...
John - It was extraordinary, it was quite extraordinary!
Sherlock - That's not what people normally say.
John - What do people normally say?
Sherlock - "Piss off".
D'emblée, l'épisode pilote touche juste : John Watson revient d'Afghanistan où il a été blessé, il cherche un colocataire, et découvre alors un drôle de zouave qui bat les cadavres à la morgue pour étudier les ecchymoses ainsi produites. Nous sommes au XXIème siècle, mais ces évènements reprennent très exactement les premières pages du roman A Study in Scarlet, la toute première enquête de Sherlock Holmes. C'est même la première fois que la rencontre Holmes-Watson est portée à l'écran de façon aussi fidèle. D'ailleurs, le titre de l'épisode, A Study in Pink, annonce la couleur (c'est le cas de le dire) : l'adaptation sera à la fois scrupuleuse et libre. John et Sherlock s'appellent par leurs prénoms, mais font partie des meilleures incarnations des personnages de Sir Arthur Conan Doyle. Le premier, joué par Martin Freeman que l'on n'est pas habitué à voir aussi sérieux, n'a certes pas de moustache (un choix quasi inédit, si l'on excepte évidemment Le secret de la pyramide où Watson avait quinze ans) mais possède le caractère curieux, enthousiaste et aventureux qui le distingue dans les livres (après tout, il est le seul être au monde à pouvoir cohabiter avec Sherlock Holmes). Quant au méconnu Benedict Cumberbatch, il se pose en digne héritier de Jeremy Brett et donne au détective le mélange de bizarrerie et de passion qui lui sied : moqueur, cynique, arrogant, il toise ses interlocuteurs du haut de son intelligence, mais peut aussi bien porter le masque de la séduction ou de la compassion pour arriver à ses fins... voire même laisser paraître ses sentiments,
bien qu'il se défende d'en avoir. Ses interjections récurrentes (« Boring! », « Problem? »), brèves et sans appel, menacent déjà de rentrer dans le langage courant. Ce Holmes-ci utilise internet, envoie des textos, et déduit d'un iphone ce que son modèle déduisait d'une montre à remontoir. La transposition fonctionne, et s'avère même particulièrement stimulante.
Dans les épisodes 2 et 3, les références au Canon se mélangent allègrement (on y trouve des éléments du Signe des quatre, des Plans du Bruce-Partington, du Dernier problème...), et servent à alimenter des intrigues originales, où le cerveau de Sherlock peut faire constamment étalage de sa supériorité. Jouant avec le spectateur initié comme avec le novice, les scénaristes (parmi lesquels se trouve Mark Gatiss, qui incarne également Mycroft Holmes dans la série) multiplient les défis intellectuels, tandis que les réalisateurs dynamisent les intrigues (naturellement bavardes, malgré quelques scènes d'action bien dosées) à l'aide d'une ingéniosité visuelle constante mais rarement encombrante (on peut néanmoins se fatiguer des textos qui s'affichent à l'écran).
Le troisième épisode, The Great Game, est conçu comme un jeu de piste façon Une journée en enfer, et s'achève sur un cliffhanger incroyablement rageant... Heureusement, les épisodes suivants sont déjà sur les rails, pour une diffusion prévue à l'automne 2011.
#1 - A Study in Pink
#2 - The Blind Banker
#3 - The Great Game