Kaamelott - Livre VI : Arturus Rex
Séries & TV / Critique - écrit par riffhifi, le 02/01/2010 (Tags : arthur arturus livre kaamelott astier episode episodes
Après s'être nourri des légendes de la Table Ronde, Alexandre Astier bâtit les fondations de sa propre mythologie, en imaginant la jeunesse d'Arthur à Rome. Délibérément moins drôle qu'au début, mais la série a pris une nouvelle dimension qui lui sied bien.
Après un livre V limite lugubre, au format plus narratif que les précédents et au final sidérant, Kaamelott s'est fait attendre durant plus de deux ans, suscitant une attente auprès d'un parterre de fans que peu de séries françaises peuvent se vanter de réunir. Cette fois, plus question de Table Ronde ni de quête du Graal : le maître d'œuvre Alexandre Astier propose un retour en arrière, narrant la jeunesse romaine d'Arturus, futur roi Arthur. Quid ? Chrétien De Troyes aurait-il validé cette vision de l'histoire ? Peut-être pas, mais la légende est suffisamment floue, et ses liens avec la réalité suffisamment sujets à caution pour qu'un auteur s'en empare et
la modèle à sa guise. C'est bien ce qu'Astier s'emploie à faire depuis les débuts : s'appuyer fermement sur les bases que constituent mythes et faits historiques pour en tirer une œuvre originale, personnelle, qui reflète aussi bien son caractère et son humour que ses convictions, ses références littéraires et cinématographiques ou encore ses insultes favorites. Scénariste, réalisateur, interprète principal, monteur, compositeur, regroupant autour de lui son père, sa mère, son demi-frère, sa belle-mère, ses enfants et ses potes, le zig aurait pourtant pu tourner en vase clos et faire virer la bouffée d'air frais à l'atmosphère viciée, s'il n'avait pas eu l'excellente idée de faire évoluer le format, le ton et la population au cours des chapitres. Diffusé sur M6 en octobre dernier, sorti en DVD et Blu-ray dans la foulée, le livre VI reflète à merveille cette évolution. Jugez plutôt : ...
Quinze ans avant les évènements du livre I, Arthur est un simple troufion dans la milice romaine. Avec son pote Manilius (Emmanuel Meirieu, concepteur artistique de la série qui fait ici ses débuts de comédien), il fait les 400 coups à la barbe de ses supérieurs et traîne avec le marchand de citrons Verinus (Manu Payet, jeune comique révélé il y a une pincée d'années). Au sommet de la pyramide hiérarchique, le vieil empereur César (Pierre Mondy, comique et comédien vétéran) a plus ou moins délégué le pouvoir au sénateur Sallustius (Patrick Chesnais, lui aussi un vieux de la vieille), qui l'exerce avec l'aide de son âme damnée Publius Servius Capito (François Levantal, gueule incontournable du cinéma français de ces dernières années). Au fil des épisodes, le destin d'Arthur se dessine, à mesure que sont introduits Merlin (Jacques Chambon), le roi Léodagan (Lionnel Astier) et
les futurs chevaliers de la Table Ronde. Les neuf épisodes de 45 minutes ont donc de la matière à mouliner, d'autant que le dernier fait la jonction entre la fin du livre V et le long métrage cinéma prévu d'ici quelques années.
Comme toujours, Kaamelott déploie un arsenal de dialogues impeccablement ciselés, parfois très drôles (malgré une propension grandissante à user du champ lexical du trou de balle), et tire sa force d'un soin particulier apporté aux personnages et à leur interaction. Un bon mot est rarement fait par hasard, et son efficacité vient souvent de la connaissance préalable du bonhomme qui le profère (c'est la raison pour laquelle les scènes avec Perceval et Karadoc sont de tels moments de bonheur). Astier se sort habilement de la difficulté générée par la profusion de nouveaux personnages, en parvenant à les caractériser rapidement (méchant, stupide, manipulateur...), et en jouant la carte du sérieux qu'avait inauguré le livre V. Tournant dans les prestigieux studios de Cinecitta, il livre moins une comédie qu'une vision personnelle de ce qu'un peplum devrait être : une chronique vivante et enjouée d'une époque où les gens étaient aussi querelleurs, mesquins, brutaux, infantiles et cons qu'aujourd'hui. Ne cherchant pas pour autant à juxtaposer les codes de comportement contemporains à ceux des Romains, Astier fait cependant passer quelques sensations, quelques messages subtils : son admiration pour les précédentes générations de comiques et de comédiens (la saison est dédiée à Louis De Funès) se ressent dans la déférence que son personnage montre pour César (il ne s'agit pas de Jules, mais d'un de ses lointains successeurs), malgré le dégoût que ce dernier a de lui-même. Lorsque celui-ci
confesse qu'il n'a écrit que des bouquins pompés sur un général chinois, Arturus lui répond qu'il vaut mieux avoir écrit des bouquins pompés que pas de bouquin du tout ; une sorte de cri d'amour lancé aux acteurs blasés de leur champ de navets ? « Mieux vaut avoir joué dans un hectare de navets vaguement rigolos que dans rien du tout ! » De même, l'Arthur envoyé par Rome pour domestiquer les Bretons, et qui finit par fédérer les chefs de clan et prendre la tête de la lutte contre les Romains, ne serait-il pas un reflet de l'Astier à qui M6 commandait une série comique formatée, et qui finit par être à la tête d'une œuvre complexe, dramatique, fédérant de nombreux "clans" de comédiens et possédant une personnalité unique ?...
Les bonus du DVD n'explorent pas cette voie, mais proposent un long making-of du livre VI, qui montre la précision de la direction d'acteurs et la course de fond que constituent 50 jours de tournage), ainsi qu'une sorte d'enquête sur les chevaliers de la Table Ronde et leur représentation dans Kaamelott.