Saint-Ex : nos années pension
Séries & TV / Critique - écrit par iscarioth, le 25/02/2007 (Tags : pension annees saison skyrock saint fleur pointeaux
« Quoi ! Que vois-je ? Une critique Krinein sur une série pour ado estampillée KD2A qui dépasse la moyenne ? Ignominie ! Sacrilège ! Révolte ! »
Calme toi donc, ami lecteur, essuie la bave qui dégouline de tes lèvres, prends un jus de fruits et parcours ma critique en toute sérénité, en faisant comme si Saint Ex était une série comme les autres... Ce qu'elle n'est pas.
Saint Ex, c'est une série pour adolescents articulée autour d'un groupe d'adolescents. Morgane, la blonde légère, Rose, la rebelle, Amel, la coincée-décoincée, Sam, le traficoteur-négociateur, Milo, le pianiste bohême et Antoine, le sous-fifre un peu gauche. Ce groupe de copains se forme à « Saint Ex », un pensionnat. Attention, Saint Ex n'est pas Plus belle la vie. Pas de mafiosi, pas de séjours en prison ni de chantage financier. Les aventures sont celles, banales, qui constituent la petite vie adolescente, passée ou présente, de tout à chacun. KD2A a déjà diffusé, l'été dernier, une catastrophique série sur le même thème adolescent, dans un décor de vacances : Coeur Océan. Force est de constater que cette nouvelle série s'avère être franchement plus réussie, même si les codes et mimiques du genre restent bien présents.
Alors, c'est sûr, Saint Ex est une série qui ne manque pas de scènes ridicules. Nos cinq garçons et filles montent un groupe, et l'on assiste assez souvent aux répétitions, qui sont tout aussi souvent le cadre de certains événements : tensions, colères, départs précipités ou moments de satisfaction. La bande originale de la série est parfaitement guimauve, avec des lyrics très niais sur le thème d'une amitié « qui durera toute la vie ». Les play-back sont absolument infâmes. Le concept de la série (un groupe d'ados aux profils très différents) et les événements rapportées (scènes de « délire », comme le hockey dans le couloir) semblent clairement montés pour séduire et stimuler un public adolescent, développant empathie et fantasme vis-à-vis de la série. Mais, mais, mais... Saint Ex possède un plus, une valeur ajoutée. Comme un bon lycéen, voici que je vous expose mes arguments dans un plan en trois parties :
1) Le portrait de l'adolescence est plutôt juste
Ceux qui ont un souvenir marqué de leur adolescence, et ceux qui ont été amené à côtoyer ou travailler avec des groupes d'adolescents s'en rendront compte, le portrait dressé par Saint Ex, même très schématique, sonne juste. Saint Ex souligne bien une jeunesse entre logique individualiste (chantages, petit commerce, intérêts personnels) et solidarité (entraide, esprit de groupe). Nous sommes tous des boules d'émotivité, protégées par des carapaces, plus ou moins épaisses selon les individus. Le jeune adolescent n'a pas encore cette carapace, il commence seulement à se la construire au fil de ses expériences. Avec Saint Ex, les adolescents observés sont en seconde, ils se situent sur la dernière ligne droite, vers l'âge adulte : le lycée, lieu de socialisation et de sensibilisation à la citoyenneté. Au fil des expériences, chaque personnage apprend donc à dominer ses pulsions pour mieux accepter l'autre et les événements. Les dialogues ont beau sembler parfois artificiels, ils soulignent bien cet état de fait. Un comportement agressif, fier, qui dissimule à peine une sensibilité bousculée. Sensibilité, découverte et expérimentation.
2) La réalisation qui sort des sentiers battus
Les séries humoristiques tournées dans des pièces à trois murs, face à un public hilare, on connaît. Plus rares sont les séries qui s'embarquent en dehors des studios pour aller filmer en décors naturels. Saint Ex en est une. A chaque épisode, on découvre de nouveaux endroits du pensionnat, on suit les personnages caméra à l'épaule, avec une réalisation qui donne parfois l'effet du reportage « caméra embarquée ». On relève une bonne variation des plans et fluidité narrative. On évite aussi avec Saint Ex l'enchaînement des scènes de dialogues et de gags par des plans de transition plutôt contemplatifs (lever de soleil sur le pensionnat). Chaque épisode raconte une histoire, qui s'articule souvent sur plusieurs jours : lors d'intertitres, on nous indique le jour et l'heure. La plus grande audace de réalisation de la série est la division de l'écran en petites parcelles. Ce n'est plus une image, mais deux ou trois que l'on distingue à l'écran. Cette particularité n'aurait pu être qu'un gadget, mais elle sert bien chaque récit. Pour une même scène, on peut se placer de deux points de vue (celui du professeur et celui d'un élève du fond de la classe, par exemple). Lors d'une conversation, il est possible de saisir à la fois le champ et le contre-champ, et de récolter à sa guise les expressions faciales de l'un ou l'autre des interlocuteurs.
3) Des thèmes abordés avec intelligence
A chaque épisode son histoire, basée sur un mensonge, un défi, une tromperie, etc. A chaque fois, les choses débouchent sur un message de tolérance. Saint Ex ne se contente pas de dire à ses téléspectateurs que jeter ses mouchoirs à la poubelle plutôt que par terre c'est bien ou que la pauvreté dans le monde, c'est triste. La série va assez loin dans dans l'audace. Par exemple, dans l'épisode « Tout mais pas ça », on touche aux thèmes du lesbianisme et de l'homophobie. Rose est attirée par Amel, elle se découvre sexuellement comme chaque adolescente à cet âge. Saint Ex nous montre une scène de caresse, de tendresse explicite. C'est déjà très rare d'aborder ce thème pour une série ciblée ado, ce l'est encore plus en le faisant aussi franchement. Amel fait un rejet complet sur l'attirance homosexuelle dont elle est l'objet, et réagit de manière violente et apeurée. L'acceptation de l'autre arrive après une première réaction aussi violente qu'irréfléchie.
S'il n'y avait pas ces trois points, Saint Ex passerait dans notre estime de 6.5 à 3 sur 10. Mais ces trois qualités existent et se ressentent à presque chaque épisode. Saint Ex demeure une série pour adolescents assez mièvre et typée, mais possède de véritables qualités qui en font une série à part, dans sa catégorie.