Arrested development
Séries & TV / Critique - écrit par weirdkorn, le 06/05/2005 (Tags : saison arrested development netflix bluth series michael
Critique générale de la série : la sitcom qui ne s'arrête jamais
La chaîne Fox est depuis longtemps la reine des séries décalées et politiquement incorrectes. On lui doit ainsi Mariés deux enfants, les Simpson et plus récemment Malcolm. A cette liste devrait s'ajouter Arrested development, une sitcom totalement déjantée qui ne ressemble pourtant aucunement à ses paires. Tout y est différent : le ton, le sujet, le rythme et surtout la réalisation. C'est simple, au début on se demande sur quelle planète on se trouve tant cette sitcom fait figure d'ovni. Puis on s'habitue, on commence à rire, un peu, beaucoup, voire plus pour les meilleurs épisodes. Dès la première saison, la série a ainsi reçu pas moins de 4 Emmys (meilleure série comique !, meilleur casting, meilleur réalisateur et meilleur scénario pour une comédie avec l'épisode pilote) et un Golden Globe (meilleur acteur de comédie pour Jason Bateman). Voilà déjà un beau palmarès.
Très bien, la série a du succès mais de quoi parle-t-elle au fait ? Si vous pensez que c'est encore sur une famille américaine moyenne cradingue et mal élevée, vous vous trompez du tout au tout. Arrested development parle de l'inverse, des Bluth : une famille riche et propre sur elle. Seulement, cette description ne correspond qu'à l'image qu'elle renvoie puisqu'en son sein, c'est la pagaille la plus totale, ou presque.
Les Bluth sont dans une situation prospère et vivent dans l'opulence, sans avoir à se soucier de rien. Le père de famille est chef d'entreprise et ramène l'argent à la maison, d'une manière pas toujours honnête. Peu importe, tout le monde apprécie cette vie tranquille et est bien trop à la masse pour se rendre compte de quoi que ce soit. Tout le monde sauf Michael, un des fils, le seul à avoir toute sa tête. Veuf et père de Georges Michael, un adolescent, il décide de les quitter avec son fils pour aller vivre en Arizona. Seulement, les magouilles du père viennent d'être découvertes et il ne reste plus que lui pour s'occuper de sa famille pour le moins anormale.
Les Bluth sont neuf et comme dans toute bonne sitcom, tous sont différents. On retrouve donc comme personnage principal Michael qui se demande la plupart du temps ce qu'il fait au milieu de cette bande de fous. Ses deux parents ne relèvent pas le niveau, entre un père abject et magouilleur et une mère alcoolique dont le train de vie est le seul souci. Il est entouré de Lindsay, une soeur jumelle légèrement nympho et très paresseuse, ainsi que de deux frères : Gob, crétin macho et magicien raté et Buster, fifils à sa maman. Lindsay est séparée de Tobias avec qui elle a eu la manipulatrice Maeby. Rajoutez le fils de Michael, épris de sa cousine, et vous obtenez là un tableau vraiment singulier. On retiendra les rôles de Gob, hilarant avec sa voix rauque et ses remarques de gros macho, et de Lindsay, jouée par une Portia de Rossi à des millions d'années de la Nelle d'Ally McBeal.
Evidemment, tous les personnages ne sont que contrastes et ils apportent leur lot de passages et de répliques comiques. Mais Arrested development offre plus que cela puisqu'il amène une façon tout à fait nouvelle de raconter l'histoire. Mitchell Hurwitz, créateur et producteur de la série, a eu une approche vraiment originale à la fois sur le plan technique et sur celui de la narration, cette sitcom ne ressemblant même plus à son genre. D'abord, tout est filmé caméra à l'épaule. Fini le théâtre à la Friends ou la réalisation classique à la Malcolm. On se retrouve immergé au coeur de l'action, ça bouge, ça tremble un peu, ça zoome bizarrement et même si cela dérange au début, on s'habitue par la suite fort bien. Ensuite, une voix-off fait souvent son apparition pour raconter une anecdote ou éclairer l'histoire. Ce procédé est très ingénieux pour une sitcom et il permet à la fois d'accélérer le rythme et de sortir quelques répliques comiques d'un point de vue extérieur. Pour couronner le tout dans l'originalité, la dernière séquence présente pour de faux ce qu'il y aura dans le prochain épisode, permettant ainsi de diffuser de rapides scènes comiques.
Ces éléments sont à la base du non-conformisme de la série et de son succès mais cela ne fait pas tout. Il faut aussi que le scénario et les dialogues soient mordants. De ce côté-là, c'est encore une réussite tant le ton est loin du politiquement correct. Les répliques sont savoureuses et souvent piquantes, n'épargnant rien ni personne avec un nombre de jeu de mots ahurissant. Le rythme est également impressionnant. C'est simple, il n'arrête jamais et la sitcom est parfois dure à suivre. C'est un fait étonnant pour ce genre et c'est un des seuls reproches que l'on pourra formuler. A vouloir trop en faire, cela part dans toutes les directions et même un peu trop. Avec ce traitement, les 22 minutes de la série passent à une vitesse folle et il serait parfois bon de souffler un peu. Mais cette remarque ne vaut que pour les non connaisseurs puisque les fans se repasseront sans cesse des épisodes tellement riches en trouvailles comiques qu'on en découvre encore des nouveaux après plusieurs visionnages.
Arrested development apporte un souffle nouveau dans le petit monde des sitcoms et cela fait du bien. L'originalité de la série peut décontenancer au premier abord mais après plusieurs épisodes, on ne décroche plus tant son ton est anticonformiste et savoureux. Sans aucun doute la meilleure sitcom du moment puiqu'elle est la plus drôle et la plus novatrice. Toutefois, elle est tellement innovante et décalée qu'elle n'a jamais réussi à séduire le grand public. Ainsi, malgré le succès critique, la Fox commença à réduire ses commandes d'épisodes, faute d'audience, la série se retrouvant avec 18 épisodes pour sa deuxième saison (de loin la meilleure) et seulement 13 pour sa troisième. Arrested development est aujourd'hui interrompue et les chances de retrouver une chaîne pour la produire semblent très minces. Un grand gâchis même si la série commençait à s'essouffler lors de la dernière saison et que son arrêt est peut-être arrivé à temps.